Toponymie du
Mercantour
Étude et Étymologie des noms de
lieux
Mont Mounier
FULCONIS Michel
- Le Mont Mounier et son
observatoire
A Mme Hermione GUIBERT, de
Beuil, descendante de la famille du gardien
météorologiste Joseph MAYNARD.
Introduction
Du haut de ses 2
817 m, le mont Mounier occupe une situation centrale
entre vallées du Var et de la Tinée. Montagne du crétacé
inférieur, il fait partie de la chaîne de Pal et domine
les gorges du Cians qui constituent une sorte de fossé
recevant les eaux d’une zone de 172 kilomètres carrés.
Ses puissants contreforts est et ouest, comme ses barres
au Sud, l’ont fait souvent appeler « lion »,
« cathédrale gothique » ou encore « roi » trônant au
milieu de satellites moins ambitieux que lui, et qui
l’entourent comme une cour. On en compte habituellement
sept : lou Démant, lou Sadour, Galestrièro, Burento, lou
Couloumbet, l’Adré et l’Estrop. Cet environnement
immédiat était très giboyeux fin XIXème siècle, et sa
flore était riche et variée. Les intérêts du Mounier
sont ou ont été multiples : géologique, géodésique,
botanique, astronomique, météorologique et historique.
Ce sont surtout ces trois dernières dimensions que nous
allons évoquer ici.
I. Les origines
Le toponyme « Mounier »
Pendant
longtemps et jusqu’au milieu du XXème siècle, il
s’appela Monnier, dérivé de « mons niger »
signifiant « mont noir ». CESSOLE l’écrivit « Mounier »
en 1893, mais après de nombreuses recherches et
discussions avec des érudits, il optait un an plus tard
pour la dénomination « Monnier », la plus répandue dans
les écrits de l’époque et de plus collectée chez les
autochtones. Il notait d’abord que certaines vieilles
cartes d’Etat-Major sarde donnaient le nom de
« meunier ». Ce nom était à ses yeux une déformation de
« Monnier », comme pour « Mounier ». Il écorchait
d’ailleurs au passage une étymologie fantaisiste selon
laquelle les neiges tardives paraient la montagne de
longs mois durant, la rendant blanche comme un meunier.
Même si la particularité du Mounier est de conserver
longtemps la neige sur ses versants, c’était bien là un
comble pour un nom signifiant « mont noir » ! CESSOLE
étayait l’explication de RISSO (le calcaire bleu-noir
ayant donné « mons niger ») par la présence à
proximité de la Cimanegra, ainsi que d’une autre
dénomination prise sur une très ancienne carte
manuscrite du département : mont Niert
.
Selon lui, l’évolution de « Monnier » en « Mounier »
viendrait peut-être d’une erreur de copiste ou
d’imprimeur, le u et le n étant interchangeables en
écriture manuscrite.
Les expéditions au Mounier
Première
figure locale à monter au Mounier, le naturaliste niçois
RISSO, qui fit plusieurs fois son ascension, notamment
avec FODERE début XIXème siècle. Ce dernier la qualifia
en 1803 de « plus élevée des montagnes secondaires du
département ». Selon RISSO, vers 1820, son pic s’écroula
avec « un fracas horrible », ce qui signifierait qu’il
était plus haut
.
Il affirma aussi que l’on pouvait y apercevoir « assez
distinctement » le Ventoux, le fort Lamalgue près de
Toulon, les îles d’Hyères et celle de Pomègue près de
Marseille, ainsi que les plaines de la Crau et les
embouchures du Rhône. Gageons qu’il s’agissait là d’une
plaisanterie. Il est vrai que le Mounier offre – tout
comme le Cheiron et le Mont Vial - une des plus belles
vues du département sur les Alpes maritimes et au-delà :
Corse, Viso, Pelvoux...
Puis en
1858, l’économiste et sénateur Jean-Joseph GARNIER y
monta, en compagnie d’un autre Beuillois - le
propriétaire de la montagne - Maurice POURCHIER. Ils
déposèrent « orgueilleusement » leur carte de visite
« sous une des pierres qui forment la colonne élevée sur
le plus haut sommet (…) par les officiers piémontais du
Corps Royal d’Etat-Major ». Preuve de l’importance
stratégique de la montagne : elle était déjà parcourue
par les militaires qui devaient s’en servir de poste
d’observation ou de terrain de manœuvres
.
POURCHIER vendit le Mounier en 1868 à la commune de
Roubion pour 60 000 francs, payés moitié en argent,
moitié en bois.
Le 7 août 1888,
l’avocat Antoine RISSO récolta au grand pic plus d’une
trentaine de plantes et fleurs, dont le fameux génépi (Artémisia
glacialis).
Enfin, ce
fut le tour du Chevalier Victor de CESSOLE à visiter le
mont en août 1892, à partir de Beuil, guidé par
l’aubergiste POURCHIER. On comptait 3 h avec un mulet
pour faire cette randonnée via le col de Mulinès.
A l’époque, l’itinéraire passait par le Mont Démant puis
bifurquait vers l’est, au pied du Mounier, où sort une
source et montait directement par les éboulis à
l’échancrure entre les deux cimes. La pointe orientale
était alors nommée « Grand Pic du Monnier ». Déjà
inscrit au C.A.F., CESSOLE n’allait cesser de louer
cette montagne et la promouvoir dans des monographies du
bulletin du C.A.F. Section Alpes-Maritimes, ce qui
contribua à la choisir pour la construction de
l’observatoire
.
Il y alla de
nombreuses fois, et parfois pour des séjours dans la
maison d’habitation de l’observatoire, tantôt ému par de
merveilleux levers et couchers de soleil, tantôt devant
rebrousser chemin devant d’effroyables tempêtes
.
Ainsi, il put voir à la clarté hivernale tous les jours
de la première quinzaine de février 1896 le phénomène
« inoubliable » du « spectre ». Déjà observé au Mont
Blanc, il expliquait que « la montagne projette, au
moment du lever du soleil, son ombre dans l’espace ».
Depuis la petite cime, la pointe sommitale « dessine
aussi dans les airs à une distance de plusieurs
kilomètres sa belle pyramide ». Durant environ une
demi-heure, « les contours du spectre, d’abord vivement
colorés de vert et de bleu, passent successivement par
diverses nuances et peu à peu cette grande ombre
s’efface devant l’apparition de l’astre ».
Deux ans
auparavant, en décembre, CESSOLE louait déjà le
« spectacle vraiment grandiose » du Mounier lorsque la
lune se lève : « Le jour ne subit presque pas
d’interruption : c’est une seconde journée qui commence,
semblant nous apporter comme l’illusion de ce que peut
être le soleil de minuit au pôle Nord. Malgré la nuit,
nous continuons en effet, de notre haut belvédère, à
jouir de la vue complète des Alpes, en admirant le
reflet rouge que la clarté de la lune communique aux
champs neigeux. »
Source :
http://amontcev.free.fr/Mont%20Mounier.htm