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Armoiries du Champsaur et blason de François de Bonne duc de Lesdiguières,  devenu celui de Saint-Bonnet en 1968

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05500 Saint-Bonnet-en-Champsaur

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Le Champsaur 
Champoléon
Toponymie générale
Toponymie du Champsaur

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Église de Saint-Bonnet

Champsaur - Église de Saint-Bonnet

Vers  1930

Sanctus Bonitus ou Bonetus, Bonnet Libre durant la Révolution. On ne connaît pas son nom antique.

Ancelle

Champsaur - Ancelle

Mai 2005

Ancelle apparaît au vu des vestiges et de l'ancienneté de son nom l'un des lieux les plus anciennement occupés du Champsaur. Sa plaine lacustre, au débouché du vallon de la Rouane,  est caractéristique de la présence ancienne d'un lac. Son nom provient d'un hydronyme pré-celtique ANTIA.

Champsaur - Ancelle

Vers  1900

Orcières

Champsaur - Orcières

Mai 2005

Orcières et Montorcier, son ancien mandement, sont tombés eux dans l'attraction de l'ours, mais  sont en fait aussi les hauteurs, la perte du sens nécessitant le renforcement par le mot mont d'où la tautologie de Montorcier.

Champsaur - Orcières

Vers  1920

Vallon du Tourond

Champsaur - Vallon du Tourond - Pointe Sud de la Vénasque (2620 m)

Octobre 2006

Le Tourond, c'est aussi la hauteur, de la racine DOR, TOR.

Champoléon (1281 m)

Champoléon - Les Borels (1281 m) vers 1920

Vers 1920

Champoléon, Campus Livus c'est la hauteur soumise aux crues et à leurs dépôts des racines CAM et LAP, LIP.

Le Barle (2733 m)

Champsaur - Les Audiberts (1466 m), commune d'Orcières - Le Barle (2733 m)

Mai 2005

Le Barle, c'est la hauteur rocheuse de la racine BAR.

 

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Toponymie du Champsaur

La toponymie d'une région s'inscrivant dans l'histoire des peuples qui y vécurent et des langues qu'ils parlaient, ne peut pas être abordée sans un bref rappel historique.

Le néolithique et le bronze ancien voient le passage puis peut-être l'installation des premiers hommes (1). De petits groupes de langues pré-indo-européennes y séjournaient de façon certaine au bronze récent (2).  Le Drac, la Rouanne et peut-être Ancelle leur doivent leur nom. À partir du VIIIe siècle, une communauté hallstattienne s'installe dans la région (3). À l'époque de la Tène, c'est-à-dire du IVe au Ier siècles avant JC, le Champsaur  constituait une zone d'altitude de la peuplade alpine des Tricores (4).  Ceux-ci ou leurs prédécesseurs lui ont sans doute donné son nom qui signifiait ce que le lieu représentait pour eux, c'est-à-dire le lieu d'en haut, bien avant qu'il ne se transforme en plaine ou rase campagne ! Plus tard, on appelait encore le Col de Manse, Saltus Tricorii [Robert Faure, p10], à la traduction explicite : les pâturages des Tricores.

Est-il besoin de préciser que le passage de Hannibal et de ses éléphants chez les Tricores n'a aucun fondement historique [Atlas, 43] et n'a pu avoir d'impact sur la toponymie contrairement à ce qui  a parfois été avancé [Robert Faure, p10] ?

Champsaur - Col de Manse - Refuge Napoléon et Vieux Chaillol (3163 m)

Champsaur - Col de Manse - Refuge Napoléon et Vieux Chaillol (3163 m)

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La légende attribue à César, s'avançant vers le Champsaur par le Col de Manse dans les années -50,  la phrase favorite des érudits, « Ecce Campus Aurei », voici le champ d'or, pour expliquer le nom de la vallée [Robert Faure, p11]. En fait, César n'a pu que découvrir un pays pratiquement vide et un fond de vallée ravagé par les divagations du Drac. S'il l'a trouvé jaune, c'est tout simplement qu'il a dû passer en automne !

Les traces de la période gallo-romaine restent limitées et très parcellaires, dans la toponymie - Manse (5), comme dans les vestiges (6). Mais le Champsaur est pompeusement désigné sous le nom latin de Campania = la campagne en 739 dans le testament du Patrice Abbon. Encore que la zone ainsi nommée se limite-t-elle probablement au plateau d'Ancelle (8).

Le Champsaur est dauphinois dès le XIe siècle. Il bénéficie comme partout de la véritable renaissance [d'après le médiéviste Jacques le Goff] des XIIe et XIIIe siècles dans le cadre favorable du Petit Optimum Médiéval [Emmanuel Le Roy Ladurie]. Dans le domaine de la toponymie, cette période se traduit par l'abandon des anciens noms devenus incompris et l'éclosion de nouveaux noms, caractéristique de la structuration de l'espace qui s'est produite à cette époque. Les anciens noms, emportés dans la dynamique et le renouveau, ont soit disparu, remplacés purement et simplement par de nouveaux noms, soit se sont fossilisés en tombant dans l'attraction de nouveaux noms compréhensibles, comme Campus Saurus qui a évincé Camsaurus, soit ont été renforcés par des synonymes créant les tautologies des multiples noms en mont, comme ici Mons Orserius = Montorcier, où l'ancien nom incompris est tombé dans l'attraction de l'ours. Hormis à Ancelle, occupé des le VIIIe siècle avant JC [Atlas], et aussi à Chaillol, Champoléon, Montorcier et Orcières, les noms de lieux ne semblent pas remonter à l'antiquité (7). Les occupations anciennes attestées, notamment à Bénévent-et-Charbillac [Atlas], n'apparaissent pas dans la toponymie.

Toutes les localités consacrées à un saint sont représentatives de la création de paroisses au haut Moyen Âge, ou au plus loin dans le temps de l'Antiquité tardive. Saint-Bonnet, Saint-Julien et Saint-Laurent apparaissent dans les archives en 1152, Saint-Eusèbe, Saint-Jean et Saint-Nicolas en 1179, Saint-Michel en 1334, Saint-Léger en 1378. Les noms des autres localités apparaissent à la même époque, Buissard en 1152, Bénévent et Orcières en 1166, Montorcier en 1179, la Fare en 1180, Chaillol en 1248, Chabottes et Charbillac en 1307, Champoléon et Chabottonnes en 1377, Forest en1406, etc (8). Leur apparition ne fait bien sûr qu'entériner l'existences de villages mais ne préjuge pas de leur ancienneté. Néanmoins, des noms comme Chabottes, Chabottonnes, Bénévent, Charbillac, Forest ne sont pas antérieurs au Moyen Âge.

Le Champsaur lui-même a vu son nom varié au cours du temps, Campania en 739, Camsaurus en 1027, Campus Saurus en 1335, 1377, 1483, Champsour en 1343, Chansour en 1338, Champsours en 1504, Chamsault en 1505, Champsor en 1562 (8) ; Campo Sauro et Campi Sauri en 1116,  ducatus Campi Auri en 1340, Champsaour en 1504, Champsor en 1552 (9). En patois, c'est lou Chansau ou Chansaou, prononcé tsantsau.

L'origine et l'étymologie du nom ne font pas l'unanimité. Il a même pu être écrit que « le jeu même consiste, chaque fois qu'une étude sur le Champsaur est publiée, à donner une nouvelle étymologie » [Robert Faure, p11]. Alors jouons !

On a ainsi vu :

Le champ d'or de campus aureus, avec deux variantes, le champ couleur d'or ou le champ aurifère,

Le champ saursaur est un mot d'ancien français et ancien occitan,

Le champ desséché ou le champ sec, en occitan lou champ eyssoura, traduction du mot saur,

Le champ blond dans une autre traduction du même mot saur, et variante du champ d'or,

Le champ du vent de campus aurae, aure en occitan signifiant vent,

Le champ des lézards, à partir du mot grec σαυρος (sauros) = lézard. Mais on a évité le camposaure.

Le champ d'un nommé Saur de campus sauri, le champ d'un nommé Faur, à partir de la forme ancienne Champfaur.

Tous ont en commun campus traduit par champ, plutôt que par ses premiers sens, plaine et rase campagne, éliminés d'office. Mais champ est très restrictif en surface, contrairement aux deux autres. Alors que nomme-t-on par le mot champ ? Rappelons qu'il s'agit de la haute vallée d'un torrent de montagne tristement célèbre pour les ravages causés par ses crues. Le mot champ n'est donc pas approprié à l'ensemble nommé. Il pourrait alors s'agir d'un secteur particulier de la vallée avec l'une des caractéristiques précisées et qui aurait donné son nom à l'ensemble. Oui, mais quel lieu ? Aucun auteur ne répond à la question et pour cause !

Certes, le vent souffle fort au Col de Manse, mais sans plus ailleurs. Par contre, il faut bien chercher pour trouver un champ sec, on doit pouvoir en trouver un dans certaines zones caillouteuses, mais ce n'est quand même pas le caractère dominant de la région. Ancelle, le lieu le plus anciennement occupé et qui pourrait prétendre être caractéristique du Champsaur est même un hydronyme !

Un champ avec des lézards ? Dans la région le lézard se dit gramuze ou larmuze, et associer un mot latin à un mot grec est une aberration linguistique.

Le champ blond ou le champ d'or pourrait représenter un champ de blé. C'est oublier, un, que dans l'évolution sémantique du vieux français et du vieil occitan sor, saur, la couleur jaune brun n'est pas le résultat d'un mûrissement mais d'un dessèchement, sens d'origine du francique *saur = jaune brun (en parlant des feuilles) du néerlandais soor = desséché, et deux, que le mot n'est apparu qu'au XIIIe siècle (10) !

La fixation sur la forme campus saurus a fait oublier les formes antérieures plus intéressantes :

La première campania = campagne apparaît plutôt compatible avec le champ mais n'explique pas champsaur. C'est d'ailleurs Ancelle, sous la forme Ancilla, qui est nommé in Campania dans le testament du Patrice Abbon en 739 (8). Classons la comme une dénomination existant peut-être à l'époque mais sans lien avec le nom de Champsaur.

La seconde camsaurus, dans l'expression Regio que vocatur Camsaurus, en 1027, est probablement la plus représentative de l'ancien nom. On peut y voir le pré-celtique CALM = lande, plateau désert suivi de l'adjectif déjà mentionné saur = jaune brun, desséché (11). On y retrouve plus sûrement  l'habituelle racine CAM = hauteur, si commune dans les Alpes et si souvent victime comme ici de l'attraction du mot campus = champ. Le deuxième terme est la non moins commune racine DOR, TOR = hauteur, à l'origine des nombreux Dore, d'Or, d'Oro, Aure, Auris, Auron, également souvent tombée dans l'attraction du vent = aura ou de l'or = aurum, ancien occitan aur (12). Le Champsaur est donc bien la zone d'altitude, le pays des hauteurs des Tricores, les anciens habitants de la vallée du Drac.

Les torrents Drac et Rouanne évoquent aussi de très anciennes racines, l'hydronyme DOR pour le premier que l'on retrouve dans Durance, Doire, Drave, les dranses du Valais et de Haute-Savoie et les dorons savoyards, l'hydronyme ROD pour la seconde qui est donc de la famille du Rhône. Le Drac, lou Drau ou Draou en patois, était Dracum, Draco autrefois, évocation du dragon à cause de la violence de ses crues.

Notes

(1) Site Néolithique et du Bronze ancien de Saint-Jean-Saint-Nicolas [Atlas] ; sites d'altitude du Col du Palastre (2200 m), du Lac des Lauzons (2190 m) et du Lac de Jujal (2140 m) [Court-Picon, 2003 et Segard et al, 2003].  Le dolmen des Roranches à Saint-Jean-Saint-Nicolas fut détruit par le propriétaire du champ dans lequel il se situait. Deux haches, l'une en roche verte, l'autre en bronze ainsi que des ossements humains y furent découverts [Atlas]. Le dolmen de la Chapelle de Notre-Dame du Bois Vert à la Fare-en-Champsaur aux 3/4 enfoui dans le sol, fut détruit vers la même époque  [Atlas].

(2) Sites du Bronze récent de la Fare-en-Champsaur et de Bénévent-et-Charbillac - parure en bronze de l'Aubérie  [Atlas] ; sites d'altitude du Col du Palastre (2200 m), du Lac des Lauzons (2190 m) et du Lac de Jujal (2140 m) [Court-Picon, 2003 et Segard et al, 2003].

(3) Sépulture à Saint-Jean-Saint-Nicolas [Atlas], sépulture à Forest-Saint-Julien et à Orcières [Atlas] ; site d'Ancelle [Atlas] ; dépôt de la Loubatière à Bénévent-et-Charbillac [Atlas].

(4) Les Tricorii, les trois groupes, tribu alpine probablement dépendante des Allobroges ou des Voconces, occupaient la vallée du Drac, soit la Matheysine, le Trièves, le Valgaudemar et le Champsaur, .

(5) La localisation de Manse < latin MANSIO = auberge, gîte d'étape, et de la station romaine Ictodurum [2 km à l'ouest de la Bâtie-Neuve, Tables de Peutinger], mutatio sur la Voie Cottienne, fait débat. Mais étant en marge du Champsaur, il n'a pas lieu d'être repris ici, sinon pour rappeler que le Champsaur se trouvait en dehors des voies romaines principales se dirigeant vers Arles, Grenoble et Die, mais était parcouru par une voie secondaire, certaine, de Gap à Grenoble et une autre, supposée, la rejoignant depuis la Bâtie-Neuve par le Col de Manse [Atlas, p158].

(6) Ne parlons pas de vestiges romains mais plutôt gallo-romains : soubassement de villas près de Forest-Saint-Julien, buste à deux têtes accolées de Jupiter Ammon (IIe siècle) découvert en 1960 à Saint-Laurent-du-Cros, un autel votif dédié à Mars près d'Ancelle, une pièce de monnaie du début du IIIe siècle toujours à Ancelle, des médailles diverses à proximité des églises, dont plusieurs auraient été construites sur des soubassements gallo-romains. [Atlas, Robert Faure].

(7) Certes, quelques noms de saints ont pu se substituer à des noms vernaculaires plus anciens qui se sont perdus.

Toponymie de Chapoléon

Bibliographie et Abbréviations

(8) Dictionnaire topographique du département des Hautes-Alpes, J. Roman, 1884.

(9) Histoire du mandement de Montorcier, J. Ranguis, 1905, réédition 1978, Vollaire, Gap.

(10) Dictionnaire étymologique de la langue française, Oscar Bloch et Walther von Wartburg.

(11) Dictionnaire des pays et provinces de France, Bénédicte et Jean-Jacques Fénié, 2000.

(12) Les Alpes et leurs noms de lieux - 6000 ans d'histoire ?, Paul-Louis Rousset, 1988.

Atlas culturel des Alpes occidentales, Jourdain-Annequin et al, 2004, Picard = Atlas

Le Champsaur, histoire et mémoire, Robert Faure, 1998, 2e édition = Robert Faure

À la recherche des noms du Champsaur  Valgaudemar, Gabriel Carnavalé, 1987.

Noms de lieux & noms de famille des Hautes-Alpes, AndréFaure, 1998, Espaci Occitan

Voir aussi

 

             

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Octobre 2004

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